Rétrospective de 2023

Published on février 12, 2024

Cette année, nos travaux ont continué à signaler comment et à quel point les droits sexuels sont affectés par des crises mondiales interdépendantes, provoquées par le capitalisme, par le biais du néolibéralisme croissant, de l’extractivisme incontrôlé et de la dégradation du climat, du populisme et du nationalisme violents, de l’inégalité galopante au sein des États et entre eux, et des systèmes d’oppression patriarcaux, racistes, classistes et capacitistes bien ancrés.

En 2023, la SRI a organisé une série de conversations sur l’économie politique des droits sexuels. Ces conversations ont approfondi notre compréhension de l’effet d’érosion qu’ont la dette, les sanctions, la conditionnalité de l’aide, l’extractivisme et le (néo-)colonialisme sur la capacité des gouvernements à remplir leurs obligations internationales en matière de droits humains – même s’ils ont la volonté de le faire. Elles ont mis en relief la complicité d’États du Sud mondial dans les politiques néolibérales et la manipulation cynique des tensions géopolitiques sur des enjeux clés liés à la santé et aux droits sexuels et génésiques. Enfin, elles ont fourni des preuves et des analyses qui guideront le travail de la SRI sur ces thèmes et qui lui permettront d’identifier de nouveaux moyens de faire progresser la SDSG. 

Les attaques incessantes contre le langage progressiste au Conseil des droits de l’homme se sont manifestées cette année par la tentative de certains États de faire supprimer le terme « genre » du texte de nombreuses résolutions. Cela s’inscrit dans une tendance inquiétante où ce langage et la compréhension commune du genre et de la sexualité sont systématiquement attaqués et affaiblis. Les tensions entre autonomie et protectionnisme sont également plus fréquentes au sein du Conseil. Elles se traduisent souvent par des propositions visant à « protéger » les femmes et les filles, mais niant au final leur autonomie, leur liberté et leurs droits.

Enfin, l’année 2023 a été marquée par la poursuite du génocide à Gaza. En 2024, nous continuerons à demander à la communauté internationale de respecter le droit des Palestinien·ne·s à l’autodétermination et au retour, et de condamner le régime d’apartheid colonial imposé par Israël au peuple palestinien. Tant que le peuple de la Palestine ne sera pas libre, aucun·e de nous qui luttons pour la justice ne sera libre. 

Ci-dessous, les moments forts de notre année 2023. 

 

Notre travail au Conseil des droits de l’homme

Cette année, en collaboration avec ses partenaires et de nombreuses organisations de la société civile, la SRI a prononcé plus de 35 déclarations orales lors des débats, panels et discussions du Conseil des droits de l’homme (CDH). Celles-ci traitaient d’une variété d’enjeux, comme l’intégration d’une perspective de genre dans les travaux du CDH, les mesures coercitives unilatérales, l’héritage du colonialisme, les technologies numériques et le droit à la santé, les approches de la pauvreté fondées sur le féminisme et les droits humains, l’accès aux vaccins contre la COVID-19 et le droit au développement

Nous avons également travaillé à influencer le langage des résolutions sur un large éventail de sujets liés aux droits sexuels. Avec d’autres organisations féministes et militantes, nous avons fait valoir un langage promouvant l’égalité des genres, l’autonomie corporelle, l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la prévention des mariages d’enfants, précoces et forcés, la prévention de la mortalité et de la morbidité maternelles et la prise en charge des soins et du soutien dans une perspective de droits humains. Comme l’an dernier, l’année 2023 a été marquée par de nombreuses propositions d’amendements hostiles à la santé et aux droits sexuels et génésiques ainsi qu’au droit à l’autonomie corporelle des filles, et prônant la suppression de l’éducation complète à la sexualité. Heureusement, tous ces amendements ont été rejetés, en dépit d’une opposition renforcée.    

Nous avons tenu cette année trois événements parallèles lors des sessions du Conseil des droits de l’homme : Santé, droits humains et capitalisme : implications pour le Conseil des droits de l’homme (voir l’enregistrement), Autonomie vs protectionnisme : considérations critiques touchant la sexualité et le genre, pour le Conseil des droits de l’homme (voir l’enregistrement) et Prévenir la mortalité maternelle – Autonomie, avortement et accès : Le rôle du système des droits humains (voir l’enregistrement).

En appui à la Journée internationale pour l’avortement sûr, l’Initiative pour les droits sexuels (en collaboration avec de nombreuses organisations de la société civile) a lancé de nouveau en 2023 un appel à la signature d’une Déclaration commune de la société civile sur l’avortement. 

La déclaration de cette année met en relief l’impact sur la SDSG de la dépriorisation et du définancement des systèmes de santé publique et des soins de santé universels, et la nécessité de faire respecter le droit à l’avortement sûr et légal. Cette initiative s’appuie sur les déclarations conjointes sur l’avortement que nous avons présentées au Conseil au cours des cinq dernières années. La déclaration a été signée cette année par 363 organisations et 335 individus.

Lisez nos tours d’horizon complets des 52e, 53e et 54e sessions du CDH.

 

Procédures spéciales : Point de mire sur les mesures coercitives unilatérales, le capitalisme, le développement et la pauvreté 

En 2023, nous avons répondu aux appels à contribution de la Rapporteuse spéciale sur les mesures coercitives unilatérales, de l’Experte indépendante sur la dette extérieure, du Rapporteur spécial sur le droit au développement et des Rapporteurs spéciaux sur la pauvreté et le logement :

  1. Nous avons adressé un mémoire à la Rapporteuse spéciale sur les mesures coercitives unilatérales afin d’éclairer son rapport sur les sanctions et le droit à la santé. Le mémoire examine les sanctions unilatérales en tant que formes d’injustice économique et raciale et de domination impériale, et en tant que violation du droit au développement. Il appelle à une analyse fondée sur la classe de la pauvreté et des autres violations résultant des sanctions économiques, de même qu’à une approche intersectionnelle et complète de l’impact des sanctions sur le droit à la santé, y compris les déterminants de la santé, les systèmes de santé, la non-discrimination et les ressources maximales disponibles. Enfin, il considère la mortalité maternelle comme un exemple du grave impact des sanctions sur les droits sexuels et l’autonomie corporelle. La SRI a prononcé une déclaration lors du dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale lors de la 54e session du CDH. Le rapport de la Rapporteuse spéciale a également été présenté lors de cette session.
  2. Nous avons adressé un mémoire conjoint avec l’AWID et IWRAW-AP à l’Experte indépendante sur la dette extérieure en vue de son rapport sur les crises multiples, les systèmes fiscaux et les droits de la personne. Le mémoire cadre la situation actuelle en tant que crise du capitalisme néolibéral, de la suprématie blanche, du colonialisme et du patriarcat, et appelle à une approche intersectionnelle de ces crises, de leurs causes et de leurs impacts sur les droits humains. Il encourage l’Experte indépendante à continuer à prendre en compte les critiques féministes de la dette et à s’engager dans la justice en matière de dette dans le cadre plus large de la justice économique, raciale, de genre et climatique ainsi que de ses composantes redistributives. Le rapport de l’Experte indépendante sur le sujet a été présenté lors de la 78e session de l’Assemblée générale.
  3. Nous avons également rédigé un mémoire pour éclairer les priorités du mandat du nouveau Rapporteur spécial sur le droit au développement. Le mémoire recommande d’adopter une approche intersectionnelle du droit au développement en s’engageant dans la justice du genre, raciale et économique, entre autres. Il propose également des sujets de rapports thématiques, y compris les perspectives du genre sur le droit au développement, la décroissance et la transition juste, et les droits au développement et à l’autodétermination dans des contextes de (néo-)colonialisme, d’impérialisme, d’occupation et d’endettement. La SRI et IWRAW ont prononcé une déclaration conjointe lors du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial dans le cadre de la 54e session du CDG. Le rapport de vision du Rapporteur spécial a été présenté lors de cette même session. 
  4. Enfin, nous avons contribué à un mémoire conjoint aux Rapporteurs spéciaux sur la pauvreté et le logement concernant les lois pénales « protectionnistes » et leur impact sur le sans-abrisme et la pauvreté, avec la GAATW, l’IDPC, IWRAW-AP et le WHRIN, en réponse à l’appel à contribution pour un rapport conjoint sur la décriminalisation du sans-abrisme et de l’extrême pauvreté. Le mémoire fournit un contexte conceptuel et des preuves de la contribution des lois pénales « protectionnistes » à ces tendances – en particulier dans les domaines du travail du sexe et de l’utilisation de drogues – et il propose une série de recommandations. En particulier, il exhorte les Rapporteurs spéciaux à aller au-delà de la décriminalisation des activités de subsistance et à se rallier au nombre croissant d’organisations de défense des droits humains pour demander la décriminalisation de toutes les activités liées au travail du sexe et à l’utilisation de drogues.

 

EPU : 12 rapports alternatifs; 10 pays

Au cours de l’année, nous avons collaboré avec des militant·e·s et des organisations à la soumission de rapports alternatifs sur un éventail d’enjeux liés aux droits sexuels lors des 44e, 45e et 46e sessions de l’Examen périodique universel (EPU) concernant le Bangladesh, le Canada, l’Azerbaïdjan, la Colombie, la Malaisie, le Nigeria, le Cambodge, la Macédoine du Nord, l’Uruguay et le Chili.

Consultez nos tours d’horizon et nos rapports sur l’EPU 42, l’EPU 43 et l’EPU 44.

 

Organes de surveillance des traités : Discrimination raciale et santé

En 2023, nous avons poursuivi notre plaidoyer lié à notre mémoire au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale afin de guider l’élaboration de la Recommandation générale n° 37 sur la discrimination raciale et le droit à la santé, en collaboration avec le National Council of Women Leaders (NCWL), le Dalit Human Rights Defenders Network (DHRDNet), l’International Dalit Solidarity Network (IDSN), l’AWID, l’Initiative Her Rights (HRI) et Alisa Lombard.

Le plaidoyer collectif des groupes de la société civile a conduit à l’intégration d’une section dédiée à l’intersectionnalité dans la première ébauche de la Recommandation générale. L’ébauche reconnaît également que certaines formes de discrimination raciale, comme la stérilisation forcée ou contrainte, peuvent viser spécifiquement les femmes en raison de leur genre. Elle reconnaît également que les femmes autochtones, d’origine africaine, roms et appartenant à d’autres groupes ethniques et castes sont ciblées de manière disproportionnée par des politiques de contrôle de la population ou de lutte contre les maladies infectieuses comme le VIH/sida.

 

À venir en 2024!

Le Conseil des droits de l’homme poursuivra ses travaux tout au long de l’année. La SRI continuera à coordonner et à soutenir des efforts de plaidoyer, y compris la campagne #EmptyChairs pour défendre et élargir les espaces de plaidoyer féministe au sein du système de l’ONU. Cette campagne aborde de manière critique comment les « mesures d’efficacité » et le contexte géopolitique affectent la participation et l’influence de la société civile. Les activités comprendront l’organisation de dialogues, de webinaires et de diverses formes créatives de plaidoyer afin de partager des analyses et des recommandations féministes intersectionnelles. Le Sommet de l’avenir, prévu en septembre 2024, sera une occasion cruciale de faire progresser l’analyse et les recommandations féministes.

En 2024, la SRI continuera à promouvoir les droits sexuels dans le système onusien des droits humains. La 55e session du Conseil des droits de l’homme aura lieu du 26 février au 5 avril 2024. 

Cette année, le SRI organisera une nouvelle série de conversations sur la sexualité et le genre. Ces enjeux sont au cœur des priorités thématiques de la SRI, mais il est urgent de recadrer notre façon de les aborder. La sexualité et le genre semblent aujourd’hui faire partie des domaines de travail les plus controversés du système international des droits humains. La sexualité est souvent confondue avec l’orientation sexuelle, et le genre est réduit à l’identité de genre. Il est urgent d’élargir ces concepts pour qu’ils reflètent adéquatement la réalité diverse de la sexualité humaine et du genre. Cela est d’autant plus crucial à l’heure où se multiplient les tentatives pour faire reculer les progrès réalisés dans ces deux domaines. Tout en repensant et en réinventant notre travail sur la sexualité et le genre, nous continuerons à consolider nos acquis et à les défendre par des méthodes qui ont fait leurs preuves.

Vous cherchez d’autres moyens de vous engager dans le système des droits humains? Consultez notre article sur les occasions d’engagement féministe de février à avril 2024.

Surveillez ici même la parution de nos prochains tours d’horizon et documents d’analyse sur le plaidoyer pour les droits sexuels à l’ONU!